Table des matières
Démarche globale de diagnostic partagé du territoire
Réaliser le diagnostic partagé sur le terrain
Qu’est-ce que cela change, d’aller sur le terrain ?
Outils facilitant le diagnostic sur le terrain
Bibliographie
Démarche globale de diagnostic partagé du territoire
Aujourd’hui, le diagnostic territorial est une étape majeure dans la construction collective d’un avenir commun. C’est un outil d’aide à la décision, puisqu’il vise à récolter des données faisant apparaître les atouts, les faiblesses et les potentialités d’un territoire donné. C’est aussi "un outil de légitimation d’une démarche globale de territoire, un outil de connaissance de son fonctionnement et un outil de médiation et de dialogue entre ses divers acteurs" (Levêque).
En général, un diagnostic technique est réalisé et confié à des experts scientifiques. Depuis quelques années, vient s’y adjoindre un diagnostic qualitatif plus sensible, réalisé par un panel d’acteurs diversifié (élus, institutionnels, associatifs, commerçants, agriculteurs, citoyens...) qui vont confronter leurs points de vue afin d’identifier les enjeux à maîtriser et les projets fédérateurs sur lesquels porte le diagnostic : c’est le diagnostic territorial partagé.
Cette activité peut aussi s’avérer très intéressante comme outil d’éducation permanente, en dehors de tout processus institutionnel, afin de familiariser les citoyens à l’analyse des qualités et des faiblesses de leur territoire.

- Diagnostic à Jehay, avec un groupe de citoyens
- Photo : M. Ericx.
Un diagnostic partagé du territoire peut-être réalisé à l’échelle d’un quartier, comme à l’échelle communale, transcommunale (Partoune, 2010) ou même régionale, avec des groupes d’acteurs homogènes ou hétérogènes (acteurs du territoire et acteurs institutionnels).
Plusieurs outils facilitent l’élaboration du diagnostic : des supports pour consigner les données (plan, photo aérienne), un jeu de carte des enjeux ou une liste de thématiques et des gommettes de couleur autocollantes.
Ces outils contribuent à mettre les personnes en confiance (cela atténue la peur de ce qui peut apparaître comme une tâche difficile) et à stimuler la réflexion tout en laissant la porte grande ouverte à des propositions originales.
Réaliser le diagnostic partagé sur le terrain
L’originalité de l’approche écopédagogique dans la façon de réaliser un diagnostic partagé d’un territoire est d’être à la fois centrée sur le changement social (capacitation des personnes à se mobiliser pour et dans le territoire et à prendre leur place dans des projets de gestion et d’aménagement) et sur la prise en compte de l’environnement dans le diagnostic.
C’est pourquoi les démarches écopédagogiques conduisant au changement social espéré intègrent nécessairement une phase ou plusieurs phases sur le terrain. Nous ne nous contentons pas en effet de l’idée que chacun a une expérience et une connaissance suffisante du territoire, et qu’il suffit de réunir un groupe de personnes diversifié pour atteindre les objectifs visés.
Nous considérons qu’il est fondamental d’intégrer à la démarche un travail en profondeur sur la relation que nous établissons avec l’environnement qui nous entoure ainsi qu’avec la société qui l’habite, et que ce travail passe notamment par une visite en commun du territoire :
soit une exploration à pied de tout un quartier, rue par rue ;
soit une visite tout au long d’un itinéraire soigneusement choisi, en bus ou à vélo, avec arrêts dans des endroits contrastés, dès que l’on travaille sur un territoire plus grand.

- Diagnostic partagé du Condroz à bicyclette
- Photo C. Partoune. Module "Ancrage territorial" du brevet de pratiques en éco-pédagogie, 2009.
Qu’est-ce que cela change, d’aller sur le terrain ?
Le diagnostic réalisé sera nécessairement différent d’un diagnostic "en chambre", car il sera nourri de multiples manières de ce contact individuel et en groupe avec la "réalité" du terrain.
En tout premier lieu, la valeur pédagogique donnée à un travail de diagnostic sur le terrain est d’abord de vivre une expérience d’ancrage territorial en groupe : les personnes expriment leur attachement au lieu, racontent des anecdotes, apportent des informations, donnent leur avis.... ; les activités en elles-mêmes vont aussi faire en sorte que le territoire vécu de chacun devient désormais, pour chaque membre du groupe et pour le groupe, balisé par un vécu partagé : il est balisé d’une nouvelle charge socioaffective, d’un sens nouveau et commun.
Le travail sur le terrain induit aussi un changement de regard sur l’environnement en lui-même : alors qu’un travail "en chambre" est limité aux idées que les personnes ont déjà du territoire, une visite de terrain contribue à modifier ces représentations puisque nous prenons la peine d’observer finement les choses (d’habitude, on passe distraitement son chemin). En tant que tel, il est intéressant de prendre conscience des écarts entre ce que nous pensons/croyons du territoire, et ce que nous observons.
"On va sur le terrain pour regarder autrement ce que l’on pense connaître" (Dalimier, 2010).
Ensuite, le travail sur le terrain s’effectue avec une carte topographique, un plan ou une vue aérienne de la zone parcourue en main, ce qui pour beaucoup est une démarche peu habituelle. En effet, le passage mental de la 3D à la 2D est un obstacle pour beaucoup de personnes ; le fait de repérer les endroits visités sur le plan et d’y positionner les lieux précis à propos desquels on souhaite s’exprimer participe au développement de l’intelligence visuo-spatiale des participants. Cela permet à un plus grand nombre de se familiariser avec la représentation de l’espace en 2D, d’autant plus qu’elle sera réutilisée par la suite lors des synthèses et des étapes de prospective.
C’est en outre une expérience de diagnostic qui permet de relever ensemble des problèmes d’usage, d’aménagement ou de gestion, plutôt que d’écouter chacun égrener ses doléances. On est ainsi d’emblée dans une démarche qui, de par sa méthodologie, privilégie le point de vue collectif plutôt que la poursuite d’intérêts individuels.
Enfin, le fait d’être sur le terrain est sans doute, pour un certain nombre de personnes peu habituées au travail intellectuel, une situation plus confortable pour pouvoir participer à la discussion. Visualiser les problèmes in situ contribue à mieux saisir les enjeux spatiaux, conduit à réfléchir de manière plus pragmatique en tenant compte des contraintes locales, invite à penser davantage aux riverains et stimule la production d’idées nouvelles concrètes quant aux possibilités de l’aménagement de l’espace public.
Outils facilitant le diagnostic sur le terrain
1. Gommettes de couleur et photo aérienne
Le groupe dispose d’une photo aérienne de la zone et chaque personne de 8 gommettes de couleur différente à coller sur cette photo.

- Diagnostic partagé à Noiseux
- Photo : M. Ericx
La couleur des gommettes correspond à une des thématiques proposées par les animateurs, en fonction des caractéristiques du lieu (par exemple : Aménagement, Economie, Entretien, Environnement, Mobilité, Participation, Santé, Social). Le but est de localiser précisément dans l’espace les observations et avis des participants, qu’ils soient positifs ou négatifs.

- Diagnostic partagé de la zone de baignade à Noiseux.
- Photo : M. Ericx.
2. Un jeu de carte des enjeux du territoire
L’outil "jeu de cartes des enjeux" présenté ici est une idée de Sylvie Lardon (directrice de recherche à l’INRA et professeur à l’ENGREF).
Pour un territoire donné, il s’agit, pour les animateurs, d’identifier une série d’enjeux majeurs en consultant plusieurs acteurs considérés comme experts (scientifiques ou non) du territoire en question. Ces enjeux sont classés par problématiques et figurent sur des cartes au format "cartes à jouer" : la problématique est indiquée par un titre évocateur et exprimée par un dessin, tandis que quelques mots-clés donnent des exemples d’enjeux pour amorcer la réflexion.
Une quinzaine de cartes sont réalisées ; une carte "joker" laissée vierge permet aux participants de faire ressortir un enjeu qui n’aurait pas été identifié par les experts, ou qui n’aurait pas été jugé primordial (cette carte symbolise explicitement la posture des animateurs, qui mettent ainsi en avant leur possible incompétence et reconnaissent de facto les compétences des personnes avec qui le jeu de cartes sera utilisé en tant qu’usagers du territoire).
Un jeu de cartes est disponible par personne ou par groupe de deux.
Il s’agit d’observer les lieux ou un espace plus large et de déceler quels sont les enjeux majeurs qui se posent à cet endroit-là (consigne : 3 enjeux majeurs par personne).
Au moment de la mise en commun, les cartes servent de support à l’expression des avis de chacun. Ensuite, l’animation du groupe vise à le faire progresser vers la hiérarchisation des enjeux et la négociation de ceux qui sont jugés les plus importants.
Comment réaliser son propre jeu de cartes ?
Les animateurs qui désirent concevoir un tel outil seront attentifs à réaliser d’abord eux-mêmes une première visite de terrain afin d’exercer leur regard et de se rendre compte par eux-mêmes de la difficulté à détecter les symptômes dans le paysage qui nous renseignent sur l’état de santé du territoire.
S’ils ne connaissent pas ou mal les lieux au départ, ils se fieront à leurs observations tout en prenant conscience qu’ils n’ont accès qu’à la partie visible d’un iceberg.
Cette première visite de terrain leur permettra aussi d’identifier si le territoire comporte des espaces contrastés.
D’autres visites de terrain viendront compléter la première, mais cette fois avec des personnes ressources aux compétences complémentaires, permettant de réaliser un diagnostic pluridisciplinaire.

- En savoir plus sur les enjeux du territoire en matière de biodiversité avec un agent du Département de la Nature et Forêts de la Région wallonne
- Photo : V. Allebroeck
A titre d’exemple, un jeu de cartes des enjeux du territoire wallon a été conçu en 2006 par les chercheurs de la CPDT - Conférence Permanente du Développement Territorial -, dans le cadre de la formation des conseillers en aménagement du territoire et de l’urbanisme.

- Jeu de carte des enjeux du territoire wallon en 2006
- Auteur : CPDT.
Fichier pdf : 2,4 Mo.
Quatorze problématiques ont été retenues à cette époque :
Complexité de la gouvernance
Evolution de l’agriculture
Dynamique des relations sociales
Nouveaux besoins en logement
Sécurité et mobilité
Protection des milieux naturels
Gestion et valorisation du patrimoine
Loisirs
Mobilité durable et équitable
Réduction de la facture énergie
Dynamique commerciale
Eaux
Mutations industrielles
Evolution des paysages

- Exemple de carte des enjeux territoriaux en Wallonie
- Auteurs : CPDT 2006
Le diagnostic territorial de la Wallonie que vient de réaliser la CPDT est également une source d’inspiration de grande qualité.
Après avoir synthétisé le diagnostic propre à l’espace considéré en grands thèmes spécifiques, il reste à traduire quelques enjeux forts en mots-clés compréhensibles par le public visé. Par exemple, le vocabulaire du jeu de cartes conçu par la CPDT est clairement destiné à un public relativement initié en matière d’aménagement du territoire, il est peu accessible à tous les citoyens.
Il est également important de veiller à illustrer chaque thème par un dessin ou une photo très représentative, et cela pour plusieurs raisons. Les images font le pont entre les mots et la réalité, et seront probablement pour certains plus significatives qu’un long discours si elles sont bien choisies ; les personnes plus visuelles pourront mémoriser rapidement la liste des enjeux ; au moment où les cartes seront "jouées", l’image sera plus identifiable de loin que le texte, ce qui permettra de focaliser l’attention de tous.
Bibliographie
Dalimier I. (ULg), 2010. « Visite de terrain », in Tableau de bord « Participation et espaces publics - Pour un développement et une gestion concertée des espaces publics », Recherche Topozym pour la Politique scientifique fédérale, partenariat Ulg (UGES), UCL (USEG), Institut d’Eco-pédagogie (IEP), Vorming plus Antwerpen,
URL : http://www.topozym.be/spip/article....
Levêque G., Les méthodes de diagnostic territorial, CEP de Florac, sur le site Formater (Centre de ressources pour les formateurs et les agents de développement des territoires) : http://www.formater.com.
Partoune C., 2010. "Le paysage, un média pour partager un diagnostic territorial", Programme Leader, Centre de ressources PWDR. http://www.reseau-pwdr.be/reseaupwd....
Scheers L. (Vormingplus), 2010. « Perspectives d’éducation/formation », in Tableau de bord « Participation et espaces publics - Pour un développement et une gestion concertée des espaces publics », Recherche Topozym pour la Politique scientifique fédérale, partenariat Ulg (UGES), UCL (USEG), Institut d’Eco-pédagogie (IEP), Vorming plus Antwerpen.
URL : http://www.topozym.be/spip/article....
Pour citer cet article : Collectif, « Diagnostic partagé du territoire sur le terrain », in "Cadre de vie", répertoire d’outils créés par les formateurs de l’Institut d’Eco-pédagogie (IEP), édité en mars 2011.
URL : http://www.institut-eco-pedagogie.be/spip/?article341 |
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