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Les multiples formes d’expression de l’intelligence

Table des matières
La Théorie des Intelligences multiples
Les enjeux de la théorie des IM pour l’éducation en général, et pour l’éducation relative à l’environnement en particulier
Quelques unes des formes de l’intelligence
Comment intégrer la théorie des IM dans la préparation de nos activités d’éducation relative à l’environnement ?
Bibliographie

La Théorie des Intelligences multiples

Différentes manières de voir l’intelligence

Pour aborder le concept d’intelligence, voyons d’abord comment chacun l’envisage.

Quand dites-vous d’une personne qu’elle est intelligente ?

A cette question, les groupes en formation à l’Institut d’Eco-pédagogie apportent des réponses diverses :

  • Quand elle manifeste une grande culture.
  • Quand elle est capable d’argumenter de manière confondante.
  • Quand elle est capable de résoudre des problèmes concrets, c’est une personne astucieuse.
  • Quand elle réussit des épreuves scolaires réputées difficiles.
  • Quand elle est capable de dire « je ne sais pas ».
  • Quand elle cerne bien les limites de ses compétences.
  • Quand elle envisage les choses avec de la hauteur. …..

Quand VOTRE intelligence se manifeste-t-elle le mieux ?

  • Quand j’arrive à me débrouiller seul(e).
  • Quand je discute avec d’autres personnes.
  • Quand j’ai de la musique autour de moi.
  • Quand un problème concret survient, j’ai beaucoup d’idées.
  • Quand je dois expliquer quelque chose à quelqu’un. ….

Autant de personnes, autant de réponses.

La perception de l’intelligence est fonction de variables qui diffèrent selon l’époque et la société au sein de laquelle elle s’exerce. Mais en tout état de cause, cette perception est étroitement liée au conformisme social.

Vision classique de l’intelligence

Au début du vingtième siècle, les premiers tests permettant de déterminer un quotient intellectuel (QI) ont vu le jour, se voulant une mesure objective indépendante des normes sociales. Ces tests mesurent l’intelligence abstraite d’un individu.

Au fil des ans, on a constaté que ces mesures permettent surtout de prédire l’avenir scolaire d’un individu avec une faible marge d’erreur, par le fait que ces systèmes de mesure, tout comme notre système scolaire, accordent beaucoup d’importance aux les aspects de la logique, des mathématiques et de la langue. La conception de l’intelligence que sous-tend cette forme de mesure laisse entendre que l’intelligence est innée, qu’elle ne se modifie guère avec l’âge, l’apprentissage ou l’expérience.

La vision classique de l’intelligence, vue comme quelque chose d’intrinsèque qu’un individu possède au départ, et qu’il est possible de mesurer et d’étalonner (le fameux QI), est battue en brèche depuis longtemps par les nouvelles découvertes sur le fonctionnement du cerveau et par les théories récentes sur l’apprentissage. Cependant, elle a la vie dure, en particulier dans le monde de l’enseignement.

Vision alternative de l’intelligence

Souhaitant rompre avec l’idée d’une référence absolue pour traiter de l’intelligence d’une personne, notamment parce que les standards pour la qualifier rendent mal compte de toute une série de compétences réelles mais difficilement valorisables dans les sphères universitaires (compétences techniques ou artistiques, par exemple), Howard Gardner, professeur de pédagogie à l’Université d’Harvard (USA), choisit d’observer la diversité des situations concrètes où les personnes excellent dans leur vie quotidienne pour dégager de multiples formes d’intelligence.

H. Gardner conçoit l’intelligence comme une « capacité à résoudre des problèmes ou à produire des biens, de différentes natures, ayant une valeur dans un contexte culturel ou collectif précis ».

Afin de distinguer l’intelligence humaine de celle d’une machine-outil, l’intelligence est précisée comme étant « un potentiel biopsychologique, c’est-à-dire que chaque membre de l’espèce a la potentialité d’exercer l’éventail des facultés intellectuelles propres à l’espèce. »

Les formes d’intelligence qu’un individu a développées peuvent être combinées pour réaliser des tâches complexes mais elles auraient une autonomie les unes par rapport aux autres. En effet, la perte ou la dégradation de l’une d’elles n’entraîne pas nécessairement celle des autres.

Les enjeux de la théorie des IM pour l’éducation en général, et pour l’éducation relative à l’environnement en particulier

Ce qui est devenu la théorie des Intelligences Multiples d’Howard Gardner a le mérite d’être particulièrement simple à comprendre et pratique à utiliser dans une quelconque situation d’apprentissage. Son succès dans le monde anglo-saxon depuis la parution de son premier ouvrage en 1983, Frames of Mind, a été considérable, en particulier dans les champs de l’éducation et de la formation permanente. Elle a fait l’objet de très nombreux livres d’application en langue anglaise.

La théorie des IM repose sur une double remise en question :

  • D’une part le principe de ne plus regarder une personne en se demandant « est-il/elle intelligent(e) ? », mais de la considérer d’emblée comme dotée d’intelligences multiples, développées à des degrés variables, manifestées dans toute une série de situations (aller chercher, en dehors de l’école, ce qu’un élève réussit convenablement, permet souvent d’identifier les compétences qu’il a déjà développées).
  • D’autre part le principe de rejeter l’idée d’intelligences figées dès le départ, qui renvoie à l’idéologie des dons, pour adopter le principe d’éducabilité des intelligences, compte tenu de la grande plasticité de notre cerveau.

En effet, nous savons aujourd’hui que nonante pour cent des circuits de neurones se forment progressivement dans les années qui suivent la naissance.

C’est dire toute l’importance de l’impact de l’environnement (alimentation, hormones, interactions familiales et sociales, rapport au monde,…) sur la construction de ces circuits.

On parle de « plasticité » pour qualifier cette propriété du cerveau à se modeler en fonction de l’expérience vécue. Très importante chez l’enfant, elle se maintient chez l’adulte avec les processus d’apprentissage et de mémorisation qui ne cessent de remodeler nos micro-circuits de neurones.

« L’imagerie cérébrale en donne l’illustration flagrante : l’apprentissage d’une langue, la pratique de la musique ou l’entraînement à mémoriser l’espace modifient la structure et le fonctionnement des circuits du cerveau » (Vidal, 2001), sur base des travaux de Paulesu et al, 2000 ; Maguire et al, 2000).

Cette conception de l’intelligence considère qu’avec un stimulus approprié, il est possible de développer chacune de ses intelligences à un niveau de performance relativement élevé : « ce qui a été démontré par la recherche la plus récente, c’est que, indépendamment des différences initiales, une intervention précoce et un enseignement constant peuvent jouer un rôle décisif dans la détermination du niveau des prestations d’un individu. (…) Inversement, même les individus les plus doués du point de vue génétique resteront aux niveaux médiocres en absence d’un soutien positif de la part du milieu social » (Gardner, 1983).

Ce qui distingue les individus, selon cette théorie, c’est la combinaison originale du degré de développement de chaque forme d’intelligence chez chacun, en fonction des situations.

Quelques unes des formes de l’intelligence

Dans la traduction française (1996) de l’ouvrage « Frames of Mind » (1983), huit formes d’intelligence sont proposées. Aujourd’hui, l’équipe d’H. Gardner travaille sur une neuvième forme d’intelligence. Elles sont présentées de manière synthétique dans le schéma ci-dessous.

Intelligence logico-mathématique

Pose des questions du type « pourquoi » et « comment « , veut raisonner les choses ; veut savoir « ce qui arrivera ensuite » ; pense les choses de manière séquentielle ; a besoin de percevoir une logique.

Intelligence verbo-linguistique

Parle beaucoup ; aime raconter ou écouter des histoires ; a une bonne mémoire des dates et des noms ; aime lire (particulièrement des livres où il y a des dialogues) ; aime les jeux avec les mots (Scrabble, mots-croisés), les jeux de mots, les calembours ; a besoin d’une mise en mots pour comprendre.

Intelligence visuo-spatiale

A beaucoup d’imagination ; dessine ; aime les images et les arts visuels ; aime faire des puzzles ; a un bon sens de l’orientation ; aime et est capable d’organiser l’espace adéquatement ; a besoin d’images pour comprendre ou pour s’exprimer (compose un schéma tout en parlant, utilise beaucoup de métaphores) ; conçoit facilement l’espace en 3D mentalement ; a une bonne mémoire visuelle.

Intelligence corporelle-kinesthésique

Est à l’aise dans les situations où le corps est en action, réellement ou virtuellement ; contrôle bien les mouvements de son corps dans l’espace ; sait difficilement rester longtemps sans bouger ; s’exprime par le mouvement, les gestes ; est plus réceptif à un message codé physiquement ; s’approprie son environnement par le mouvement, le toucher, la manipulation d’objets. Est bon bricoleur (sait se servir d’outils, est habile de ses mains).

Intelligence intrapersonnelle

A une bonne connaissance de soi, de ses forces et de ses faiblesses, de ses valeurs et de ses capacités ; ne cherche pas systématiquement une cause extérieure à ses échecs ; aime la solitude ; aime réfléchir ; sait se motiver personnellement et se donner des objectifs ; a une forte vie intérieure, spirituelle ou mystique ; aime avoir le contrôle de sa vie, et en particulier de ses apprentissages.

Intelligence interpersonnelle

Entre facilement en relation avec les autres et s’intègre rapidement à un groupe social ; aime parler et influencer ; communique bien, est persuasif ; a une bonne écoute ; occupe la position de leader ou de médiateur dans un groupe ; préfère les situations gagnant/gagnant.

Intelligence musico-rythmique

Fredonne, bat le rythme et parfois chante ; fait de la musique, se met à « bouger » sur le moindre rythme ; étudie avec une musique de fond ; est sensible aux ambiances sonores et au pouvoir émotionnel de la musique ; a une bonne mémoire auditive ; saisit facilement les accents d’une langue étrangère.

Intelligence naturaliste-écologique

Est collectionneur ; aime mettre les choses en ordre ; aime connaître le nom des choses ; a un souci de précision et d’exhaustivité. Aime observer finement son environnement, cherche à replacer ses observations dans leur contexte, à identifier les relations entre les éléments, à réaliser une étude à une échelle locale mais aussi plus globale.

Comment intégrer la théorie des IM dans la préparation de nos activités d’éducation relative à l’environnement ?

La théorie des intelligences multiples peut être utilisée dans deux directions, au croisement desquelles la conception d’un dispositif méthodologique différencié peut être réfléchie :

1. Repérer quelles sont les formes d’intelligence susceptibles d’être mobilisées pour résoudre les problèmes environnementaux visés ou pour produire les services et les biens attendus

Ainsi, au cours d’une recherche-action portant sur le développement et la gestion concertée des espaces publics (recherche Topozym), nous avons identifié que les formes d’intelligence suivantes étaient requises de la part des acteurs du territoire concernés :

  • Pour arriver à percevoir et penser l’espace public en tant que partie d’un écosociosystème plus large : les intelligences naturaliste-écologique et logico-mathématique (observer le territoire et interpréter son fonctionnement), visuo-spatiale (observer le paysage, utiliser des cartes, prendre des photos, réaliser des croquis…), corporelle-kinesthésique (parcourir l’espace pour le saisir en 3D).
  • Pour établir un diagnostic partagé de l’espace public : intelligences interpersonnelle (échanger son point de vue, écouter celui des autres, réaliser des enquêtes), émotionnelle (exprimer ses émotions), visuo-spatiale (utiliser des cartes, prendre des photos…), intrapersonnelle (clarification et affirmation de ses valeurs), verbo-linguistique (formuler les choses).
  • Pour arriver à imaginer l’espace public autrement : les intelligences visuo-spatiale, émotionnelle et territoriale.
  • Pour communiquer et interagir positivement avec les autres acteurs : les intelligences interpersonnelle, émotionnelle et verbolinguistique ; y ajouter l’intelligence visuospatiale si la communication est médiatisée par des images.
  • Pour réfléchir au sens de l’action, se positionner en tant que citoyen et se fixer des objectifs communs : les intelligences intrapersonnelle, territoriale, citoyenne et existentielle.

2. Repérer quelles sont les formes d’intelligence des personnes en présence

Mais attention : prudence et nuances dans le diagnostic !

La question de l’identification des formes d’intelligence chez une personne, repérable non pas en lui faisant passer des tests en dehors de tout contexte réel mais en l’observant en situation ordinaire, est délicate.

En effet, la performance n’est pas seulement liée aux habiletés d’une personne mais à sa capacité à les mobiliser à un moment donné, dans un contexte donné. Or, cette capacité de mobilisation dépend de l’idée qu’un individu se fait de la tâche à accomplir et de l’idée qu’il se fait de sa propre capacité à l’entreprendre et à la réussir, cette dernière étant éminemment variable en fonction du contexte social (si l’on est seul, devant des amis ou devant un supérieur hiérarchique, le stress est différent).

D’emblée, certaines situations problématiques nous mettent à l’aise ou au contraire nous font peur. En effet, nous avons forgé des idées préconçues sur nos forces et nos faiblesses dans divers contextes depuis l’enfance, par autoévaluation, et nous aurons tendance à mettre en place des stratégies pour résoudre les problèmes qui deviennent stéréotypées, constituant une structure relativement stable. Lorsque les personnes en prennent conscience, elles attribuent en général leur manière de faire à un trait de leur personnalité. Elle devient constituante de leur identité.

On le pressent, cette vision peut devenir un piège dans la mesure où l’on risque de développer une image figée de soi-même qui nous empêche d’explorer et d’apprendre d’autres manières de faire. Ces croyances sont d’autant plus fondamentalement ancrées qu’elles ont rarement fait l’objet d’une analyse réflexive et d’une distanciation. Acquises « sur le tas », elles ont été sans doute confirmées par toute une série de réussites et d’échecs qui n’ont jamais été mis en perspective sur le plan culturel. Ces croyances constituent donc un « noyau dur » difficilement modifiable, à moins d’être mis en situation de « dissonance cognitive », qui crée une rupture par rapport à ces croyances, qui insinue le doute dans l’univers des certitudes forgées.

La « mesure » du développement d’une forme d’intelligence à un moment donné doit être accueillie avec toute la relativité nécessaire et considérée avant tout comme un cliché témoignant de la perception qu’a la personne d’elle-même ou comme un cliché de l’image qu’il/elle souhaite donner/se donner, pour servir de balise dans une perspective de développement.

3. Inventer pour chacun, pour chaque groupe, une façon d’élargir sa palette d’intelligences

Nos représentations, nos idées, ne cessent d’évoluer d’une situation à l’autre mais aussi en raison d’autres expériences de vie, les formes d’intelligence doivent donc être considérées comme dynamiques.

La question à se poser est cependant celle du degré de plasticité de chaque personne, et comment enrichir sa palette d’intelligences afin de faire évoluer ses pratiques.

C’est à partir des zones de flexibilité de chaque individu que ce travail pourra se faire, notamment en le mettant dans des situations où il/elle se rendra compte qu’il/elle est bien plus complexe qu’il/elle l’imaginait (dans tel contexte, je ne suis pas créatif, mais dans tel autre, je reconnais que je peux l’être). Il est donc surtout question de travailler l’image que l’on a de soi dans les contextes en question. Ceci est également valable à propos de la dynamique intelligente d’un groupe.

Une façon de créer une rupture par rapport aux idées préconçues est de recourir à des mises en situation à caractère ludique. Le côté ludique de l’activité, le plaisir que l’on y prend, peut avoir pour effet de décoincer les personnes et de libérer leurs intelligences, parfois mises sous le boisseau par ailleurs. Il est donc surtout question de travailler l’image que l’on a de soi dans les contextes en question.

Tout l’art des formateurs sera de proposer des situations d’apprentissage situées dans la « zone proximale de développement » des apprenants (Vygotsky, 1978), de provoquer des ruptures douces en garantissant un climat de sécurité et de confiance (Kaës et alii, 1979 ; Strike et Posner, 1985).

Bibliographie

Armstrong, T., 1999. Les intelligences multiples dans votre classe, Montréal,Chenelière/McGraw-Hill, 183 p.

Chevrier J., Fortin G., Leblanc R., Théberge M., 2000. Problématique de la nature du style d’apprentissage, Éducation et francophonie, vol. XXVIII, n°1, Association canadienne de langue française (Acelf). Revue électronique.

Chevrier J., Fortin G., Leblanc R., Théberge M., 2000. La construction du style d’apprentissage. Éducation et francophonie, vol. XXVIII, n°1, Association canadienne de langue française (Acelf). Revue électronique.

Gardner H., 1996. Les intelligences multiples. Pour changer l’école : la prise en compte des différentes formes d’intelligence, Paris, Retz.

Gardner, H., 1997. Les formes de l’intelligence, Paris, Odile Jacob. Traduction française de Frames of Mind, édité en 1983 et réédité en 1993.

Kaës R. et alii., 1979. Crise, rupture et dépassement, Paris, Dunod.

Partoune C., 2004. Un modèle pédagogique global pour une approche du paysage fondée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, thèse de doctorat, Université de Liège, ch. VI.

Paulesu et al., 2000. A cultural effect on brain function, Nature Neuroscience, 3, pp. 91-96.

Riding R., Rayner S., 1998. Cognitive styles and learning strategies, London, David Fulton.

Strike K. A., Posner G. J., 1985. A conceptual change view of learning and understranding, dans WEST L.H. et PINES L.A. (dir.), Cognitive structure and conceptual change, New York, Academic Press, pp. 211-231.

Vidal C., 2001. Quand l’idéologie envahit la science du cerveau, Paris, La Recherche, Numéro spécial Masculin-féminin.

Vygotsky L. S., 1978. Mind in society : The development of higher psychological processes, Cambridge, Ma : Harvard University Press.

Waterworth J.A., 2002. Conscience, action et conception de l’espace virtuel : relier les technologies de l’information, l’esprit et la créativité humaine, in Cognition et création, explorations cognitives des processus de conception, Borillo M. et Goulette J.-P. (dir.), Sprimont, Mardaga.

 

Pour citer cet article : Collectif, « Les multiples formes d’expression de l’intelligence », in « Diversité culturelle », répertoire d’outils créés par les formateurs de l’Institut d’Eco-Pédagogie (IEP), édité en octobre 2011
URL : : https://ecotopie.be/publication/expression-de-lintelligence/

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